Section efficace de fission du 242Pu : progrès théoriques et expérimentaux - Centre d'Etudes Nucléaires de Bordeaux Gradignan Accéder directement au contenu
Thèse Année : 2021

242Pu fission cross section: theoretical and experimental progress

Section efficace de fission du 242Pu : progrès théoriques et expérimentaux

Résumé

Present PhD aims to study the neutron fission cross section of the 242Pu that is classified as fertile isotope. This work relies on two complementary branches of nuclear physics, meaning the experimental and the theoretical aspect. This PhD takes place within a collaboration between the CEA (LEPh) of Cadarache and the CENBG (ACEN group) of Bordeaux-Gradignan. When a fission occurs, a heavy nucleus starts to deform from its spheroid equilibrium shape. The minimum of nuclear potential fluctuates as a function of the nucleus main deformation (i.e. the elongation), drawing a double-humped curve with two wells: the first one corresponds to the point of normal equilibrium shape and the second one to the fission isomer deformation. A heavy nucleus cross section overlays several energetic regions including the resolved resonance range (RRR), the unresolved resonance range (URR) and the neutron continuum. To model a cross section, the most physical and mathematically correct formalism must be applied as a function of the energy range involved. The theoretical part of this work aims to analyze and model the fission cross section over the various pre-cited energy domains. Hence, in the RRR, approximations of R-Matrix theory are used with the in-house developed computer code CONRAD. The excited states in the fission isomer well, namely the class-II states, are here described explicitly. In the URR, Hauser-Feshbach theory associated to Coupled Channels Optical Model calculations was used to represent the average resonant fission cross section. Once more, the class-II states have been identified and a more accurate data file is proposed. The present work ends with a careful study of the neutron continuum above the URR. Both the URR and the continuum were analyzed with the TALYS-ECIS-06 system of codes. Our goal was to explain the unknown origin of a sizeable structure lying right after the fission threshold at around 1.1 MeV of neutron energy. Prior to the present investigation, this rough structure was not correctly modeled, as well as its origin properly described. Since current experimental fission cross section database still shows 10 to 15% of discrepancies, a new precise measurement is advertised. For a high quality cross section measurement, several choices have to be made: the type of beam (Time Of Flight method or quasi mono-energetic neutrons), the type of detectors to be selected (one for measuring the number of fission, the other for characterizing the neutron flux) and finally the cross section to be used as a reference to quantify the neutron flux. For a fission cross section measurement, the reference commonly chosen is the 235U(n,f) reaction that belongs to the category of secondary standards. The detectors classically selected are fission chambers. It was decided to set up an uncorrelated measurement with photovoltaic cells as fission detectors and to use the diffusion cross section H(n,n)p as reference. The latter is described as a primary standard and involves the proton recoil technique. However, no detector is suitable yet to cover the energy range spanning the broad resonant structure to be investigated. The experimental part of this work was driven around the development of a new detector: so called the Gaseous Proton Recoil Telescope. This detector carries the particularity to be a miniaturized Time Projection Chamber (TPC). Indeed, any particle track can be reconstructed in 3 dimensions, thanks to the Micromegas segmented detection plane and the electron drift velocity. The first task of my work was to determine the best operating range for this brand new detector. Once this was achieved, we paid attention to the device intrinsic efficiency since a precise measurement requires a detector with a 100% of intrinsic efficiency. The work was initially carried out with a 3α source and then the final results were validated with a direct proton beam (at the AIFIRA accelerator of CENBG).
L’énergie nucléaire est la technologie principale en France pour produire de l’électricité avec une part de plus de 70%. Dans un réacteur nucléaire, le combustible présent est composé d’uranium 235 et 238. Par captures successives de neutrons, ces noyaux vont créer des actinides supérieurs. Parmi eux, le 242Pu fait l’objet de notre étude. Pour piloter un réacteur nucléaire avec sûreté, les codes de calculs de neutronique sont utilisés pour connaître et comprendre au mieux l’évolution du cœur du réacteur en fonction des conditions présentes à l’intérieur du cœur. Les codes de calculs requièrent entre autre comme paramètres de base des sections efficaces neutroniques fiables et dont l’intervalle de confiance a été bien cerné. De nos jours, les ordinateurs sont devenus tellement puissants que les techniques Monte-Carlo seront bientôt accessibles de façon routinière et que les méthodes déterministes ne contiennent presque plus d’approximations. La conséquence directe est que la précision des résultats dépend essentiellement de la précision des sections efficaces fournies en entrée. En outre, le développement des réacteurs nucléaires de quatrième génération impose une amélioration de la connaissance des sections efficaces de fission des noyaux fertiles, jusqu’à présent négligées. Pour toutes ces raisons, en plus de l’utilisation du plutonium 242 (242Pu) en tant que dépôt pour la chambre à fission du dispositif Occitane du réacteur RJH, l’amélioration de la connaissance des sections efficaces neutroniques du 242Pu cible, et plus particulièrement de sa section efficace de fission, est devenue incontournable. Pour étudier ce noyau, deux volets sont complémentaires : l’expérimentation et le calcul théorique. La théorie a besoin de mesures expérimentales servant de référence (ou d’étalon). Inversement, la transformation des comptages d’évènements observés en « observables » nécessite souvent une part de calculs théoriques pour la composante non mesurable. D’autre part des connaissances théoriques sont toujours nécessaires pour comprendre ce qui est expérimentalement observé. Dans ce travail de thèse, nous étudierons successivement ces deux volets. Pour développer une théorie, il faut d’abord en comprendre les différents éléments de base. L’interaction particule-noyau peut être schématisée par le puits de potentiel représentant le noyau cible et ressenti par la particule incidente. Ce puits contient des états d’excitation virtuels qui sont qualifiés par l’énergie nécessaire à leur excitation et par leurs nombres quantiques associés. Pour que le noyau fissionne, il doit d’abord se déformer. Sa déformation principale est l’élongation. En étudiant l’énergie du noyau dans la direction de l’élongation, on peut observer que le potentiel d’équilibre du noyau oscille en fonction de cette déformation. La courbe obtenue fait alors apparaître classiquement deux puits et deux bosses aussi appelées couramment barrières de fission. Leur hauteur, relativement à la valeur de Sn, l’énergie de séparation d’un neutron dans le noyau composé formé, détermine le caractère fissile ou fertile du noyau, un seuil de fission étant observable sur la section efficace de fission dans ce dernier cas. Etudier une section efficace de fission revient principalement à étudier le profil des états d’excitation présents à l’intérieur de chaque puits et au-dessus de chaque barrière. Lors d’une interaction entre une particule incidente et un noyau cible, un système composé de la particule et du noyau est formé. Plusieurs modes de désexcitation en compétition existent dont la fission qui requière un système composé équilibré (théorie du noyau composé). Ce postulat implique l’étude de la structure nucléaire de ce dernier, nommément 243Pu. Dans ce travail, l’impact de la structure nucléaire du 243Pu a été particulièrement étudié. Lors de l’analyse d’une section efficace, plusieurs régions énergétiques sont discernables, dont le domaine thermique, la région des résonances résolues (RRR), la région des résonances non résolues (URR) et le continuum neutronique. Pour modéliser une section efficace, il faut adapter le modèle mathématique, et donc le code de calculs, en fonction de la région étudiée. Dans le RRR, ce sont des approximations de la théorie de la matrice R qui sont classiquement utilisées. Le code de calculs utilisé sera le code CONRAD du CEA/LEPh avec les approximations Multi-Level Breit-Wigner et Reich-Moore. Dans le URR, il est possible d’utiliser la théorie de la matrice R moyenne ou le modèle optique. C’est ce dernier qui sera utilisé grâce au code ECIS-06 du système de codes TALYS. Ce dernier, couplant le modèle optique à un moteur Hauser-Feshbach, est également utilisé pour modéliser la section efficace dans le continuum. Prédire le comportement d’une section efficace revient à faire un travail d’« évaluation ». Le but d’un évaluateur est de faire une prédiction fiable de la section efficace d’une réaction donnée aux moyens de modèles théoriques et en s’appuyant sur les données expérimentales, les deux volets devant être cohérents. Néanmoins, dans le cas d’un modèle théorique déficient ou de simplifications justifiées, l’évaluateur peut se contenter de reproduire par un modèle mathématique plus simple la meilleure mesure de l’observable recherchée. Cela explique l’utilisation de coefficients de pénétrabilité de la barrière de fission constants en fonction de l’énergie du neutron incident (par simplification, fixés à l’unité) pour la modélisation du RRR notamment. Introduire une valeur non constante de ces coefficients revient à ajouter de la physique aux évaluations. La même démarche a été appliquée dans chaque région énergétique de la section efficace neutronique de fission du 242Pu. Dans le RRR, le travail principal a été d’identifier les états de classe II observés du second puits de la barrière de fission et de quantifier les paramètres les décrivant afin de les prendre en compte dans l’évaluation. Pour cela, la pénétrabilité de la barrière de fission de forme lorentzienne implémentée dans le code CONRAD a été appliquée dans un cadre d’évaluation. Ceci a permis d’obtenir une meilleure estimation des amplitudes de fission (paramètres fondamentaux de la matrice R). Dans le URR, les états de classe II ont également été identifiés puis ajoutés, cette fois dans le code TALYS, afin d’obtenir une évaluation de la section efficace de fission beaucoup plus fine que celles existantes. Ces états identifiés ont été comparés à la littérature et une analyse de la densité de niveaux a été réalisée. Pour cela, le module QPVRLD (pour Quasi-Particule Vibrational Rotational Level Density) du programme AVXSF, prédisant les états sur la base d’une méthode combinatoire et utilisant la théorie des quasi-particules, a servi de référence. Cette analyse a également permis d’avoir un regard critique sur l’énergie du fond du deuxième puits de fission estimée dans la littérature. Pour le continuum neutronique, l’objectif était de comprendre l’origine d’une structure présente au-dessus du seuil de fission (autour de 1.1 MeV d’énergie neutron). Une analyse de sensibilité de la section efficace aux différents paramètres (hauteurs et courbures) des barrières de fission a alors été réalisée. Les états dits « de transition » fournis par AVXSF ont également été testés dans TALYS. Enfin, une origine indirecte de la structure liée à la diffusion inélastique a été envisagée. Un travail sur les niveaux de basse énergie (les Low-Lying-Levels) du 242Pu a donc été réalisé et cette dernière étude a permis de comprendre l’origine de cette structure. Cependant, la taille de la structure modélisée dépend des paramètres choisis. Rappelons qu’en théorie, les données expérimentales servent de référence. Or, les différentes mesures réalisées de la section efficace de fission sont en désaccord de 10 à 15% au niveau de cette structure. Il convient alors de réaliser une nouvelle mesure centrée sur la structure qui soit fiable, précise et décorrélée des autres mesures. Il existe deux types de mesures de section efficace : les mesures intégrales, réalisées dans les réacteurs nucléaires ou après irradiation, et les mesures microscopiques dédiées à la mesure d’une section efficace choisie. C’est dans ce deuxième cadre que se réalise la partie expérimentale de cette thèse. Une mesure microscopique peut être réalisée grâce à deux techniques différentes de flux de neutrons fournis par des accélérateurs de particules : la technique par temps de vol et la technique par flux de neutrons quasi mono-énergétique. Cette dernière a été choisie pour cette thèse. Pour mesurer une section efficace de fission, il faut mesurer (« compter ») le nombre de fissions et le flux de neutrons. Pour réaliser ce premier comptage, le détecteur habituellement utilisé est une chambre d’ionisation (chambre à fission). Celui que nous avons choisi est composé de cellules photovoltaïques. Le second comptage est réalisé à l’aide d’une référence. Celle habituellement choisie est la section efficace de fission du 235U ou, plus rarement, du 238U qui sont appelées des standards secondaires (car mesurées en référence à un standard primaire comme σH(n,n)). Afin de décorréler la mesure réalisée, la référence choisie dans cette thèse est un standard primaire : la diffusion élastique du neutron sur l’hydrogène H(n,n)p, section efficace la mieux connue et reproductible ab initio. La technique est alors appelée technique des protons de recul. Le détecteur habituellement utilisé pour cette technique est un détecteur silicium. Cependant sensible au bruit des électrons, ce détecteur ne peut pas être utilisé en dessous de 1 MeV d’énergie neutron. La structure se situant autour de 1 MeV, pour l’englober, la mesure doit commencer autour de 200-300 keV et finir vers 2 MeV. Le détecteur silicium n’est pas optimisé pour notre besoin et il n’existe aucun autre détecteur adapté. C’est pour cela que nous avons choisi d’en développer un nouveau : le Détecteur Gazeux à Protons de Recul (DGPR), actuellement au stade de prototype, dont la particularité est d’être une TPC miniature. Ce détecteur est, comme son nom l’indique, un détecteur gazeux. Il est composé de deux électrodes parallèles espacées de 4 cm. La plaque anode est un détecteur segmenté de technologie Micromégas. Cette technologie se caractérise par la présence d’une grille 125 µm au-dessus de l’anode servant à amplifier le champ électrique d’un facteur 100, et donc à amplifier le signal émis. Ce détecteur contient également deux collimateurs parallèles entre eux et perpendiculaires aux électrodes. L’un des collimateurs sert d’entrée au détecteur et l’autre permet de limiter l’angle d’émission des protons de recul détectés afin que leur énergie soit au plus près de celle des neutrons qui les ont engendrés. Lorsqu’un proton entre dans le détecteur, il ionise le gaz. Les électrons produits vont dériver vers l’anode sous l’action du champ électrique et leur nombre va être amplifié après leur passage par la grille. Le signal détecté pour chaque pad (segmentation de l’anode) va d’abord être traité par trois cartes électroniques avant d’être envoyé au logiciel Cobo, interface avec l’utilisateur. La segmentation du plan de détection permet la discrimination des protons en fonction de leur provenance. Pour être sûr que tous les protons entrant dans le détecteur soient détectés, il faut étudier l’efficacité intrinsèque du détecteur. L’étude des conditions optimales d’utilisation du détecteur et de son efficacité ont fait l’objet du travail expérimental de cette thèse. Ainsi, il a été montré que le DGPR fonctionne avec 100% d’efficacité lorsque le nombre de protons par seconde entrant dans le détecteur est faible. Cette efficacité chute cependant dès que ce nombre augmente, indiquant un temps mort trop important lié au traitement du signal. Ce problème est en cours d’investigation. Une fois résolu, le DGPR sera redessiné. Si les problèmes identifiés sont résolus, ce détecteur pourra servir pour réaliser des mesures plus précises (3% d’incertitudes visées) qu’actuellement grâce à sa technique des protons de recul et permettra de couvrir avec un seul détecteur la région énergétique de 200 keV à 2.5 MeV.
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Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)

Dates et versions

tel-03746124 , version 1 (04-08-2022)

Identifiants

  • HAL Id : tel-03746124 , version 1

Citer

Carole Chatel. Section efficace de fission du 242Pu : progrès théoriques et expérimentaux. Physique Nucléaire Théorique [nucl-th]. Aix-Marseille Université (AMU), 2021. Français. ⟨NNT : ⟩. ⟨tel-03746124⟩
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